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Mark Geffriaud: Tes mais

Exposition personnelle
gb agency, Paris
29 Avril - 16 Juin 2023


PERFORMANCES:

14 mai à 17h30 et à 18h30 - Performance d’Aapo Nikkanen, May 14th

20 mai à 19h - Performance de Charly Bechaimont et de Guillaume Clausse, No animals were harmed

25 et 26 mai à minuit, enregistrement privé - Géraldine Longueville, Thomas Schmahl, Maia Fastinger et Ange Petit

1er juin de 19h à minuit -igni, Nous tournoyons dans la nuit et nous voilà consumés par le feu (Après Iris Clert), une proposition de Florent Frizet avec des œuvres de Andrius Arutiunian, Konstantinos Giotis, Katerina Komianou, Chloé Royer, Éric Stephany, Iris Touliatou et Paky Vlassopoulou.

3 juin à 21h - concert de Benjamin Seror, durée 60 min

4 juin de 18h – 23h, La nuit de la jalousie, une proposition radiophonique de Carla Adra et Liza Maignan,
avec Nora Barbier, Gwendal Coulon, Lou Ferrand, Jules Lagrange, Romain Noël, Mulov et la participation libre du public (18h, 19h, 20h, 21h, uniquement sur réservation: gb@gbagency.fr
En collaboration avec Radio Duuu

8 juin à 21h - Concert de Thomas Schmahl, durée 45 min, entrée libre

9 juin à 20h - Performance de Thomas Schmahl et Adrien Tinchi, no gallery for old men, partie I, durée 30 min, entrée libre

10 juin à 9h - Performance de Thomas Schmahl et Adrien Tinchi, no gallery for old men, partie II, entrée libre

10 juin à partir de 18h à 21h30, La Situation, performance de Géraldine Longueville, toutes les 30 mn, entrée libre

10 juin à 22h - Diner Tes Mets par Sébastien Pluot, 15 euros, uniquement sur réservation: gb@gbagency.fr

Les réservations sont fortement encouragées: gb@gbagency.fr

Dans le cadre du Paris Gallery Weekend 2023, Mark Geffriaud présentera une performance conçue comme une séquence de mouvements de caméra, une visite de la galerie au crépuscule, en dehors des horaires de travail et d’exposition.

25 mai à 20h - Mark Geffriaud
26 mai à 20h - Mark Geffriaud
27 mai à 20h - Mark Geffriaud

Uniquement sur réservation, gb@gbagency.fr

En dérivation — un guide de visite à chanter pour soi-même dans sa tête, ou sinon pas trop fort, en se déplaçant dans l’exposition. Des mélodies seront suggérées au fur et à mesure du parcours, mais chaque visiteur*euse pourra adopter celles qui lui plaisent.

Maintenant qu’après avoir franchi le seuil de la galerie, en gravissant les quelques marches de l’entrée je remets en ordre mes perceptions — réglage intensité de la lumière, configuration espace-temps…(1) — je dis Hello, hello, hello (à chanter si possible un ton plus fort à l’adresse de Marisol, Nasim, Solène… installées au bureau d’accueil (2)), aussitôt me voici face à face avec un truc qui fait masse (l’courant peut plus passer). Composée de stries noires avec de l’encre ou du vide, je ne sais encore, quoiqu’il en soit, une affiche barre bel et bien ma route là où d’habitude il y a un passage vers une autre salle, et m’amène à penser: hum, cette exposition est fermée lorsqu’elle est ouverte — hypothèse qui provoque un court-circuit dans l’un des lobes temporaux de mon cerveau, soit approximativement parlant me met la puce à l’oreille, j’imagine qu’inversement l’exposition est ouverte lorsqu’elle est fermée. Tel un circuit en dérivation.

Sur ce, ma boussole interne me conseille d’aller vers d’autres curiosités optiques, réfléchissantes celles-ci, enfin pas complètement, elles ont la bizarrerie des miroirs sans tain. J’y vois flou. Tantôt m’apparaissent des fragments d’images d’une nature familière — mais y a-t-il des images qui ne nous sont pas familières aujourd’hui ? — tantôt des bribes de textes sans message, tantôt moi, ou plutôt mon reflet dissout dans le nitrate d’argent qui recouvre les surfaces, « tableaux délicieux, où le gris domine cependant », comme il est écrit dans de précurseurs Champs magnétiques. Narcisse à la verticale, je médite le temps qu’il faudra.

Une drôle de lumière finit par me distraire, un peu bleue, un peu blanche, un peu rouge, impression de « déjà vu » (bug matrixien? « souvenir du présent »? (3)). J’ai cru deviner sur le côté une projection de BFM TV, et avec elle l’actualité politique des Journées de mai (Boum badaboum badaboum bam bam) 2023. Je commence à vraiment me demander si je suis là où je-crois-que-je-suis.

Pour m’en assurer, je retourne à l’accueil, quand l’ampoule d’une petite lampe allumée sur le bureau s’éteint. Et se rallume immédiatement. Ça, j’en suis certain*e. Elle a fait TILT, le temps d’un battement de cils, comme si elle s’était adressée à moi, comme si elle m’avait répondu qu’à cet instant précis, j’avais été intensément dans le présent. (4)
La galeriste me sourit: — vous désirez un ticket de caisse?

À côté de nous, des petites bobines de fin papier sont prêtes à être imprimées, avec un texte, des images, au choix. Pourquoi pas. Appuyons sur le bouton: OK. Le papier commence à sortir, au rythme du chant de la petite machine. Cric/wuuu-euuuuuuuuuuuu/tchic/tchic/ksssss. S’ouvre alors une bulle spatio-temporelle qui me transporte loin, loin. Le bruit de pas de rongeurs sur des brindilles, d’ailes d’oiseaux dans des feuillages se substitue à celui de l’imprimante. Je suis au beau milieu d’une forêt, entouré*e de renards, de fouines et de sansonnets. (5) Une telle forêt a-t-elle existé avant maintenant? Ou existera-t-elle après? La flèche du temps part dans tous les sens. Car « le temps bifurque perpétuellement vers d’innombrables futurs », à ce qu’il parait. (6)

Mais parlons-en justement. Je suis déjà venue plusieurs fois dans cette galerie. Il y a une grande salle derrière l’espace où je me trouve. Une salle ouverte en 2018. (7) Avant non. La galerie était comme maintenant (8). L’avant et l’après sont mis en tension. Enfin, il me semble. C’est ma version de l’exposition, parmi d’autres versions issues d’autres expériences. (9) Notamment celles vécues par les personnes qui reviendront une fois la galerie fermée, plongée dans la nuit. Il y aura juste la petite lampe qui, telle une vigie, clignotera encore de nombreux présents et puis, peut-être, des chuchotements dans les parages… Tell me where did you sleep last night? — À la galerie (Unplugged).

J’ai le sentiment que j’en saurai beaucoup plus, dans les jours qui viennent. (10)


1.Dans un entretien avec Aude Launay publié dans la revue 02 en 2017, Mark explique son intérêt pour l’effet de seuil: « Il a été démontré qu’à chaque fois que l’on franchit une porte, notre cerveau procède à une sorte de rafraîchissement : il stocke certaines des informations que l’on avait en tête et en évacue d’autres, pour faire de la place et se rendre plus disponible au nouvel environnement dans lequel on va pénétrer. ». Entrer dans chacune de ses expositions est une manière de vivre l’effet de seuil.

2. La chanson où les Beatles répètent à tue-tête ce même « Hello, hello, hello » (et il est vrai aussi « Goodbye ») ayant été au coeur d’une performance de Mark, composée d’un enchaînement de moments ( chant, lectures, interruptions de lumière, solo de batterie..) au Silencio, à Paris, en 2014, en principe les galeristes ne devraient pas être surprises si vous la leur fredonnez…

3. Le Souvenir du présent est le titre de l’un des livres du philosophe italien Paolo Virno, théoricien du « déjà vu » dans le cadre d’une réflexion sur la richesse de la puissance par rapport à l’acte (en une reprise de la terminologie aristotélicienne), qui est une référence importante pour Mark.

4. La micro-coupure de l’alimentation électrique de la lampe évoque le fonctionnement de la partie du cerveau qui incessamment « met à jour» la mémoire et peut de ce fait être considérée comme l’organe par lequel nous vivons le présent (dans sa fugacité).

5. Chaque édition est vendue 200 euros qui sont reversés à l’ASPAS, association qui protège les animaux sauvages et leur milieu de vie. Une de leurs actions consiste à racheter des parcelles de forêt afin de les libérer pour toujours de l’exploitation humaine.
https://www.aspas-nature.org/
https://aspas-reserves-vie-sauvage.org/

6. L’oeuvre de Jorge Luis Borges est très présente dans le travail de Mark. On peut penser à la lecture performée par deux lecteurices, de l’essai intitulé Nouvelle réfutation du temps, écrit par l’auteur argentin en deux versions légèrement différentes en 1944 et 1946 qui, dans le performance, sont dites simultanément. Plus globalement, on peut penser aussi aux Fictions et à la nouvelle Le Jardin aux sentiers qui bifurquent* où le temps est un labyrinthe.

7. L’exposition de Mark Une certain douceur en prime avait inauguré l’ouverture de cette salle. Le geste de la fermer est par conséquent un geste de voyage dans le passé mais qui, au-delà de la convocation de l’imaginaire, souligne aussi à quel point l’architecture et tous les éléments présents sur place font partie de l’exposition en tant qu’ils en conditionnent la forme et les moyens.

8. Ce n’est pas la première fois que Mark joue avec l’histoire de l’espace de la galerie. Comme une amorce de cette exposition, l’installation de 2022 intitulée Je vois, permettait au public de choisir entre deux intensités de lumière différentes, l’une froide qui correspond à l’éclairage utilisé dans la galerie par le passé, l’autre plus chaude qui correspond à l’éclairage actuel.

9. La lecture solitaire de ce guide de visite a été pensée comme pouvant faire écho à une situation avec laquelle Mark aime bien travailler: être seule tout en étant plusieurs, chacune concernée, concentrée par ou sur une action simultanément répétée par une multitude. C’est par exemple ce qu’il avait orchestré avec la performance intitulée The Tide, réalisée pour la première fois en 2010. Un groupe de personnes était invité à lire silencieusement un passage de l’Odyssée d’Homère. Ainsi chaque personne toute à sa lecture partielle participait en même temps à la totalité de l’oeuvre avec les autres.

10. Aux heures de fermeture de la galerie, la grande salle du fond est transformée en un studio de production ouvert à un collectif éphémère qui chante, répète des morceaux, enregistre des émissions de radios, ou tout simplement discute, invente des choses, qui émergeront tôt ou tard.


Vanessa Morisset — Historienne de l’art qui déambule ici et maintenant comme dans un circuit électrique en chantonnant les Beatles, Alain Bashung, Guy Debord, le son d’une mini imprimante et Nirvana, entre deux conversations avec Mark.