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Before Waiting Becomes Part of Your Life

Exposition collective avec Mark Geffriaud, Apostolos Georgiou, Tirdad Hashemi, Paul Heintz, David Horvitz, Július Koller, Jirí Kovanda, Roman Ondak, Pak Sheung Chuen, and Yann Sérandour
gb agency, Paris
14 Mai - 19 Juillet 2022


Tout commence par un rayon de lumière. Le soleil apparaît et se lève, culmine au-dessus de nous et poursuit son voyage vers l’ouest, disparaissant de notre vue lorsqu’il atteint l’horizon. L’humanité a vécu cela comme un mystère, un miracle ou un fait. Pourtant, nous continuons à attendre et à nous émerveiller de son apparition chaque jour. Notre existence même commence par une attente chaleureuse, avant même que l’attente ne fasse partie de notre vie.

Before Waiting Becomes Part of Your Life est une exposition qui tire son titre d’une œuvre du même nom de Roman Ondak. Cette exposition collective explore les possibilités offertes par les artistes qui, fascinés par l’invisible, l’intangible, les espaces intermédiaires, ce qui pourrait être mais n’est pas encore, matérialisent le temps, nous permettant de contempler, d’expérimenter et de transformer l’attente.

Exhibition view, Before Waiting Becomes Part of Your Life, gb agency, Paris, 2022

Pak Sheung Chuen, About the Same Level of Time #2, 2020

Exhibition view, Before Waiting Becomes Part of Your Life, gb agency, Paris, 2022

Mark Geffriaud, Une certain douceur en prime, mardi (2018), detail

Roman Ondak, Before Waiting Becomes Part of Your Life, 2010, detail

Exhibition view with detail of Yann Sérandours Un temps nuageaux avec la possibilité d’un rayon de soleil, 2011 appearing on the middle

Yann Sérandour, Un temps nuageaux avec la possibilité d’un rayon de soleil, 2011, detail

Exhibition view, Before Waiting Becomes Part of Your Life, gb agency, Paris, 2022

Tirdad Hashemi, We Are Not From Here, 2015

Exhibition view, Before Waiting Becomes Part of Your Life, gb agency, Paris, 2022

David Horvitz, How to make yourself visible for a rescue boat when you are stranded in the dark at the bottom of a cliff on a rocky coast in Hong Kong, 2012

Exhibition view, Before Waiting Becomes Part of Your Life, gb agency, Paris, 2022

Exhibition view, Before Waiting Becomes Part of Your Life, gb agency, Paris, 2022

Le soleil peut être présent ou non dans l’exposition. Par une journée ensoleillée et à travers l’œuvre de Yann Sérandour (Un temps nuageux avec la possibilité d’un rayon de soleil, 2011), il peut entrer dans la galerie souterraine et traverser l’espace pendant environ une heure, reflété par un miroir placé sur une fenêtre proche. La déception est une possibilité, comme c’est le cas pour ceux qui attendent.

Dans les salles d’exposition, les œuvres de sa série Une certaine douceur en prime (2018) de Mark Geffriaud semblent insister sur ce fait, Il découpe les icônes utilisées dans les pages météo des journaux internationaux. Isolées des prévisions qu’elles illustraient autrefois, elles flottent entre des feuilles de verre acrylique transparent, annonçant plutôt que le temps existe, allez savoir ce qu’il apportera réellement, qu’il pleuve ou qu’il vente, un jour est donné.
Au centre de la pièce, Pak Sheung Chuen propose une autre expérience qui se répète pendant une minute toutes les douze heures. About the Same Level of Time #2 (2020) présente cinq horloges murales inclinées de six degrés vers la droite. Pendant une minute, à 2:43, les aiguilles de l’horloge s’alignent, créant brièvement une image alignée, un horizon commun entre notre vue et celle du temps qui passe. Même si cette certitude ne dure pas moins de 60 secondes.

La réalité fait irruption dans les espaces avec l’œuvre de l’iranienne Tirdad Hashemi, qui - comme souvent - nous extirpe de notre rêverie poétique avec ses dessins. Dans l’un d’eux, un personnage recroquevillé fixe un objet manifestement aliénant : une grammaire française, qu’il faut étudier, digérer, intérioriser pour plaire à la machine bureaucratique capricieuse du contrôle migratoire.Attendre, c’est angoisser.

De l’autre côté du mur, Jirí Kovanda attend que quelqu’un l’appelle. Le 18 novembre 1976 (Waiting for someone to call me, 1976), Kovanda a figé le temps. 46 ans après son action éphémère, invisible s’il n’y avait l’unique photo qui la documente, Jirí regarde toujours au loin, assis derrière un bureau devant un téléphone, attendant en noir et blanc.

Au sol, deux moniteurs se font face, présentant deux vidéos qui font partie de l’installation à grande échelle de Roman Ondak, Before Waiting Becomes Part of Your Life (2010). On y voit Maya, la femme d’Ondak, apprendre à leurs enfants Adam et Martin à attendre. Dans les différentes situations que nous voyons dans les deux vidéos (par exemple, faire la queue devant une cabine téléphonique vide), les raisons d’attendre deviennent insignifiantes, voire inexistantes. Au contraire, c’est la transmission qui est essentielle. La patience est l’objectif. Leur plus jeune se rebelle contre ce formatage précoce, résistant de manière hilarante, comique. Respire profondément et reconnais que l’attente est toujours à venir, semblent avertir gentiment leurs parents.

Au-dessus d’un tapis posé pour accueillir les visiteurs, Digicodes (2018) de Paul Heintz tourne sur une platine de disque. Œuvre créée lors de moments d’ennui où l’artiste a dû accepter un emploi de livreur pour payer ses factures, Digicodes transforme en musique les codes utilisés par Heintz pour accéder aux halls des immeubles de Paris. Le temps entre les besoins (survivre) et les désirs (survivre en tant qu’artiste) est occupé par Heintz, qui fusionne les espaces physiques d’attente (les halls d’immeubles parisiens) avec son propre voyage transformationnel.

Un autre parcours artistique culmine l’espace d’un instant dans les œuvres de Július Koller. En 1969, Koller assimile son nom à celui d’un point d’interrogation (OTAZNIK (Question Mark), 1969). Devenir, c’est devenir une question. Et c’est ainsi que nous sommes ramenés à la case départ.

Comme si la fin s’approchait, David Horvitz attend d’être secouru. Dans How to make yourself visible for a rescue boat when you are stranded in the dark at the bottom of a cliff on a rocky coast in Hong Kong (2012), Horvitz tente de se rendre visible par un bateau de sauvetage alors qu’il se trouve bloqué dans le noir au pied d’une falaise sur une côte rocheuse à Hong Kong. Les diapositives montrent le bord de la falaise, son dos et ses bras agités éclairés par derrière par un flash, son corps noyé dans l’obscurité. Les diapositives tournent en boucle sans fin, prolongeant l’attente qui n’est comblée que dans cette page.

Occupant un coin de la galerie, comme si elle servait de livre d’or à l’exposition, une grande peinture en diptyque d’Apostolos Georgiou représente une de ses scènes déroutantes, insolites, toujours sans titre. Une femme nue semble faire la vaisselle pendant que deux hommes parlent, l’un nu, l’autre en costume de ville. A moins que cela ne soit en fait la même personne, une dans une vie imaginée, l’autre ancrée dans une réalité, deux temps d’un même songe. La vulnérabilité rencontre l’officialité dans une image qui laisse l’attente et la notion d’accomplissement flotter librement dans un état non figé entre réalité et fiction, symbolisme et littéralité, poésie et factualité.

Marisol Rodríguez Paris, 2022